BEYROUTH

BEYROUTH

Livre d’artistes publié en 2008, par les éditions Take5 (Genève).
16 photographies originales (12 tirages noir et blanc et 4 tirages couleur)
signées de Gabriele Basilico, dont 5 réalisées spécialement pour le livre en 2008,
faisant suite aux images de 1991 et 2003
Tous les tirages ont été choisis conjointement par l’éditeur et l’artiste pour cette édition
Texte inédit, écrit pour le livre en français par Wajdi Mouawad,
traduit en anglais par Bernard Hoeppfner
Le livre est en outre enrichi d’un facsimilé du carnet dans lequel l’auteur a écrit le texte
Graphisme réalisé par Philippe Millot, en collaboration avec les éditions Take5
Le boîtier de chacun des 15 exemplaires du tirage de tête crée par Robert Stadler est composé de plaques de mousse solidifiée couleur sable stratifiées par du pvc blanc
Les 25 autres exemplaires sont contenus dans un boîtier en papier gris anthracite
évoquant une cotte de maille
Chaque copie est signée par Gabriele Basilico et Wajdi Mouawad,
(et Robert Stadler pour le tirage de tête)
Édition de 40 exemplaires dont un tirage de tête de 15 exemplaires
30 x 39,5 x 7,5 cm 39 x 53,5 x 11 cm (tirage de tête)
-

Lorsqu’ils posent leur regard sur Beyrouth, ni Gabriele Basilico ni Wajdi Mouawad ne cherchent à en imposer leur vision. Comme le dit Wajdi Mouawad, « mes pièces de théâtre ne traitent pas de la guerre, mais parlent de la tentative de rester humain dans un contexte inhumain».
Chacun, à sa façon, privilégie l’objectivité pour faire résonner la part d’humanité qui est en nous. Le texte de Wajdi Mouawad, tout comme les photos de Gabriele Basilico, nous submergent : ils documentent la guerre avec la volonté de témoigner sans jugement, sans détour, sans parti pris, tout en appelant à la responsabilisation des consciences. «Je crois que les générations qui arrivent auront besoin de reconstruire en disant que l’on peut être responsable tout en restant dans le monde », rappelle l’auteur. Les photos de Gabriele Basilico sont des images étonnamment objectives, neutres, silencieuses. Comme l’explique ce dernier, «la “lenteur du regard”, en syntonie avec la photographie des lieux, est une attitude “philosophique” et existentielle, grâce à laquelle on peut tenter de retrouver, dans le monde extérieur, une possibilité de “sens” ». À travers ce souci éthique du détail de la représentation et de la qualité des images, il y a dans les photographies de Gabriele Basilico une rigueur et une perspective qui nous empêchent de tomber dans la glorification du passé, mais invitent plutôt à une quête d’objectivité.

-

Sans être narratives, les photographies parviennent néanmoins avec beaucoup de force à exposer les cicatrices encore à vif d’une ville perpétuellement détruite et reconstruite, dont la capacité de résilience est extraordinaire : Beyrouth, telle un phénix, semble sans cesse renaître de ses cendres. C’est dans cette perspective que les éditrices ont choisi d’entremêler dans le livre des photographies prises par Gabriele à différentes époques : les photographies prises en 1991 juste après la guerre civile, celles de 2003 qui montrent l’élan optimiste de la reconstruction, et les photographies de 2008, prises spécialement par Gabriele Basilico pour le livre, qui évoquent les nouveaux défis auxquels Beyrouth est confrontée. Il ne s’agit pas de dresser un portrait chronologique de la ville, à travers un «avant et après», maisplutôt de montrer sa capacité à se transformer sans cesse.

Beyrouth Pages Et Carnet

Le texte qui accompagne les photographies, écrit spécialement par Wajdi Mouawad pour le livre, crée un écho bouleversant aux images. Sont évoqués les blessures de l’exil, l’absurdité des guerres fratricides, le déracinement, la perte de la langue, le deuil de l’enfance, l’oubli des couleurs, mais aussi la résilience de l’être humain, incommensurable. Ce dernier, malgré sa vulnérabilité, manifeste envers et contre tout sa détermination d’aller au fond des choses pour découvrir la vérité. Comme le dit Stanislas Norley, le théâtre de Wajdi Mouawad, « théâtre de l’intime aux formes épiques», a une portée universelle. Le texte du livre, de par son format plus intimiste, parvient à condenser toute la substance de ce théâtre épique. Il a une importance symbolique particulièrement forte, dans la mesure où il est la première incursion de l’auteur dans le registre poétique.
Alors qu’une véritable alchimie s’opère entre la photographie et le texte, le graphisme se met au service de l’art, sans s’effacer devant celui-ci et en lui donnant tout son souffle. Philippe Millot s’est orienté vers un graphisme sobre, aéré, laissant toute sa place au blanc, symbole de lumière et d’espoir. En choisissant une typographie neutre, presque télégraphique, il respecte la gravité du sujet traité. Sa sobriété laisse délibérément place à l’émotion que suscite le sujet. Les lettrines des titres, inspirées par les briques de construction utilisées au Proche-Orient pour les constructions modulables, évoquent les moucharabiehs. Le graphiste a créé enfin quelques dessins abstraits en écho aux photographies de Gabriele Basilico, qu’il a dissimulés sous les tirages.

Editions Take5 Beyrouth 1

Pour construire l’architecture du livre, l’éditeur s’est inspiré du petit carnet Moleskine sur lequel Wajdi Mouawad a écrit et dessiné son texte. Le livre est rythmé comme une respiration par l’alphabet arabe, égrené avec les lettres de l’alphabet latin au fil des pages. Cette dialectique entre les deux alphabets met en relief les affres de l’exil et l’importance de la langue maternelle. C’est en partant de cet équilibre instable qui caractérise la ville des «plaques tectoniques de chagrin» dont parle Wajdi Mouawad que Robert Stadler a créé le boîtier du tirage de tête du livre. S’inspirant de la théorie présentée par le physicien Kolmogorov en 1941, la théorie de la dissipation, selon laquelle certains objets subissent de perpétuelles turbulences, le designer a imaginé un empilement aléatoire de plaques tectoniques qui se seraient décalées entre elles après une secousse. Les strates, construites en mousse alvéolaire et enserrées par des feuilles en composite blanc, évoquent un matériau de construction, comme un clin d’œil à la formation d’architecte de Gabriele Basilico, et à sa retenue moderniste. Ces strates étagées nous rappellent aussi les architectures «à croissance illimitée » du Corbusier, destinées à évoluer dans l’espace et dans le temps, à s’agrandir selon les besoins et les variations de leur environnement. Un autre boîtier a été réalisé pour cette édition, recouvert par un papier métallique qui rappelle la texture de la cotte de maille.

{headtag:customtag}{/headtag}