RECTO VERSO

RECTO VERSO

Livre d’artistes publié en 2012, par les éditions Take5 (Genève).
Texte écrit pour le livre en anglais par Alberto Manguel,
traduit en français par Christine Le Boeuf
Photographies réalisées pour le livre par Ali Kazma :
- 8 tirages photographiques originaux signés
- 176 cartes photographiques imprimées présentées dans des compartiments et juxtaposables selon des combinaisons infinies
Graphisme réalisé par Philippe Apeloig,
en collaboration avec l’artiste et les éditeurs.
Boîtier en érable et polymethyl methacrylate
réalisé en collaboration avec Jean-Luc Honegger,
auteur du dessin figurant sur le couvercle
Chaque exemplaire est numéroté et signé par Ali Kazma, Alberto Manguel, Philippe Apeloig et Jean- Luc Honegger
Édition de 30 exemplaires - 43,5 x 33 x 5 cm
-

L’artiste questionne depuis plusieurs années le rôle des métiers dans nos sociétés et observe leur mode de fonctionnement afin d’aborder le thème du travail de manière philosophique. «Ali Kazma recourt au genre de l’enregistrement avec une prédilection marquée pour l’attention rapprochée et le regard patient. Ses œuvres prennent le temps: celui de l’observation au plus près, dans une perspective descriptive mais aussi analytique, via le recours à un filmage précis qui goûte de s’appliquer au détail. L’image produite, débordant le cadre documentaire, s’élève par extension au rang de vecteur cognitif. Elle montre sans dramatiser, et rend explicite sans prendre position.» Durant une période de trois années, l’éditeur a accompagné l’artiste sur les routes européennes, dans de nombreux lieux emblématiques du livre, rarement accessibles au public : bibliothèques, imprimeries, manufacture de papier, relieurs, ateliers de restauration, librairies, antres de bibliophiles… Une véritable enquête photographique a été menée. Face à l’ampleur du projet, le nombre de photographies a augmenté de semaines en semaines. Ali Kazma a finipar prendre près de 8 000 photographies. À partir de ce travail d’archive, huit tirages photographiques originaux ont été sélectionnés conjointement par l’artiste et les éditrices pour figurer au sein du livre, ainsi que cent soixante-seize photographies imprimées dans le livre sous forme de petites cartes. Certaines sont descriptives, d’autres purement esthétiques, les autres simplement drôles. Faciles à manipuler, elles donnent au collectionneur la possibilité de composer à l’infini des histoires visuelles liées au monde du livre, à l’image des écrans vidéo qu’Ali Kazma juxtapose dans son œuvre. Chacune dissèque les gestes précis de ces hommes et femmes pratiquant leur métier. L’artiste transcende le côté systématique et répétitif de ces gestes en en révélant la virtuosité et le savoir-faire. Sont également mis à l’honneur les premiers manuscrits, les livres d’artistes, les recueils et traités philosophiques qui ont marqué notre histoire. C’est avec à la fois beaucoup d’émotion et de rigueur qu’Ali Kazma communique sa vision du monde des livres, de son évolution dans le temps et de ces chefs-d’œuvre en péril, qui résonne avec le texte d’Alberto Manguel, l’un des plus grands historiens du livre.

-

Ce dernier a rédigé un texte spécifiquement pour ce projet, véritable plaidoyer pour le livre, médiumunique et incontournable. À ses yeux, il est le dernier rempart contre les dangers de l’obscurantisme, et préserve la mémoire de nos sociétés. Dans Hommage à Babel, l’écrivain nous livre un texte à la fois très personnel, nourri de ses expériences de vie, et d’exemples historiques qui soulignent l’importance du livre à travers le temps et les civilisations. Citant de nombreuses anecdotes et références, Alberto Manguel met également en exergue le rôle du lecteur, sans lequel le livre ne pourrait exister à part entière. Pour lui, le lecteur et le livre sont totalement interdépendants. Aussi, évoquant les effets de l’évolution des technologies sur la lecture, il soutient que rien ne remplace la lecture traditionnelle, «pratique qui accorde mieux que toute autre chose en ce monde une sorte de joyeuse immortalité, l’illusion d’un espace et d’un temps illimité. » Pour lui, lire sur un écran « est une activité différente. (…) Cela se passe dans une autre région de notre cerveau. Cela emprunte le vocabulaire de la lecture parce que cela n’a pas encore trouvé le sien».
Philippe Apeloig s’est inspiré de l’aspect documentaire du travail d’Ali Kazma. Le graphiste a imaginé, avec les éditrices, une aventure interactive qui permet au lecteur de découvrir librement les centaines de métiers participant à la réalisation d’un livre. Par un ingénieux système inspiré de symboles annotés par Borges dans l’un de ses manuscrits, Philippe Apeloig a dessiné un code signalétique représentant tous les métiers du livre. Ces symboles, imprimés au dos de chaque petite carte, permettent de retracer de façon ludique et surprenante chaque étape de la fabrication d’un livre, et de sa conservation. Le titre du livre apparaît graduellement sur des rabats de tailles différentes, dans des dégradés de gris. Le cahier du texte reflète la fluidité de la lecture, avec des paragraphes de différentes largeurs disposés selon une grille aléatoire, et la numérotation des pages sautillante. Évoquant les stencils et les origamis, les lettrines annoncent chaque paragraphe à la manière d’un conte de fée post moderne, et sont travaillées avec un minimum de lignes.

-

Le relieur Jean-Luc Honegger, pour créer le dessin figurant sur le boîtier du livre, s’est inspiré à la fois de la forme de la bibliothèque, en hommage à Alberto Manguel, et de l’écran vidéo, en référence à Ali Kazma. Le contraste entre le noir et le blanc évoque la dualité de toute bibliothèque, qui, selon Alberto Manguel, est bien classée le jour, et se métamorphose la nuit en laissant la parole aux livres les plus iconoclastes. Elle souligne la lutte entre la lumière de la connaissance et le noir de l’obscurantisme. Travaillant habituellement avec le cuir pour réaliser des reliures uniques de bibliophilie, Jean-Luc Honegger a accepté d’expérimenter pour les éditions Take5 et de travailler avec un matériau contemporain, le polyméthacrylate de méthyle, que l’éditeur a associé à l’érable.

{headtag:customtag}{/headtag}